Canoë - Décembre 2001
Thomas Fersen : triple sens
De Paris, Thomas Fersen attend avec douceur la fin de sa tournée européenne.
Plus de dix-mois sur la route auront eu raison de ses chansons. La meilleure façon
d'en faire un bilan : mettre sur le marché un triplex. Trois spectacles, dont
un à Montréal, immortalisés à l'ère du numérique.
L'ami des animaux s'est en huit ans,
l'instant d'enregistrer quatre albums en studio, littéralement imposé dans la
francophonie. Ses musiques et sa prose ont traversé l'épreuve du temps, lui
permettant de prendre sa juste place. Toute allusion à Jacques Prévert ne tient
plus. On compare dorénavant Thomas à Fersen. Et comme Fersen ne pourrait vivre
sans Thomas…
Une collègue dont le siège social se tient
sur le même étage que le nôtre le trouve si mignon. Par chance, c'est au téléphone
que nous nous branchons sur le monde du chanteur. Inutile de dire que nombreux
sont ceux qui se seraient pendus au bout du fil pour lui. Mesdames, il n'est
pas si beau que ça. Il est très gentil cependant.
Fatigué le troubadour? Non, il désire
simplement prendre le temps d'explorer, de quitter la scène quelques instants
pour mener une centaine de projets de front. Tant de souvenirs derrière le micro
: J'aime bien cette vie-là. C'est intense. J'aime rencontrer les gens et
partager avec ceux-ci. Je suis d'un naturel à me replier sur moi-même et c'est
très mauvais pour moi. Là au contraire, je vais au-delà des gens, et c'est bon.
C'était très long cette tournée. De plus, j'ai vécu beaucoup de chose dans ma
vie lors de cette période. Ça provoque du changement cette façon de vivre. J'ai
encore trop le nez dessus...
L'homme de science politique analyserait immédiatement
la situation. Thomas Fersen quant à lui tire ses leçons de l'histoire. Laissons
le temps passer avant d'y revenir, c'est ce qu'il semble vouloir nous dire.
Seule chose pour l'instant qui pourrait expliquer ces deux années passées de scènes
en scènes, notre interprétation en tant que simple auditeur de son triplex.
Trois spectacles enregistrés à
Intéressant? Les envolées musicales sur
certaines prises en émerveilleront plus d'un. Nous sommes d'autant plus gâtés
que Monsieur Fersen offre en exclusivité au public québécois un disque simple
incluant les enregistrements effectués à Montréal. C'est moi qui a demandé à
ce qu'une version simple sorte exclusivement au Québec. On s'est dit que nous
ferions ça pour les gens qui n'auront pas l'argent pour acheter l'importation
triple. Je croyais la chose importante parce que je suis sensible aux gens et
que je viens souvent au Québec. Il y a des gens qui me disent que des fois les
disques coûtent trop cher. Je n'ai pas envie de me séparer d'un public qui ne
peut pas se permettre d'acheter un disque triple.
Ce plaisir indéniable que tire Fersen à
venir à Montréal est omniprésent sur son Live au Cabaret. Le public présent
(et bruyant) lui retourne bien la faveur : Il m'arrive toujours des tas de
trucs à Montréal. L'enregistrement de certaines chansons du Cabaret, entre
autres ' Je suis dev'nue la bonne ', ' Elisabeth ' et ' Dugenou ', je suis très
heureux que ça soit sur un disque. J'avais déjà vécu des choses comme ça au
Cabaret mais bon, il n'y avait pas de mémoire. Pour moi, ça existe sur quelque
chose et ça me fait plaisir. Lorsque ça s'est passé lors de l'enregistrement,
je jubilais.
Qu'a-t-il appris de ses contemporains lors
de ces années passées en tant que simple spectateur? Car sa présence scénique
vient bien que quelque part… : Je n'apprends rien, c'est trop intello. Je me
laisse aller comme une femme. Plus ça va, moins j'y vais avec mon esprit. Ça gâche
pas mal. Quand on pense trop, on ressent moins. C'est peut-être le défaut de
mes chansons, elles nous demandent de penser. C'est vrai que j'essaie de faire
des choses plus directes.. Le direct, nous le vivrons longtemps en sa
compagnie grâce à cet album live qui nous permet de tomber dans l'illusion que
Thomas Fersen vient à peine de quitter le Cabaret.
Il y avait amplement d'espace dans le cadre
d'un coffret de trois disques pour graver en spectacle l'intégrale des chansons
de Fersen. La chose aurait été audacieuse : Déjà à 28 chansons, je me suis
fait engueuler par la compagnie de disques parce qu'il y avait trop de chansons
et que ça ne se fait pas l'industrie. On a fait en sorte qu'il ne soit pas trop
cher et que l'objet soit joli. Je pense qu'il faut que le disque ait du charme
parce que c'est comme ça qu'il vivra. Il faut essayer de donner quelque chose
aux gens, faire un effort.. En effet, le Triplex est abondant en
photos. Une belle présentation qui agrémente les heures passées à écouter les
trois disques.
Le dernier spectacle de la tournée Quatre
annonce un nouveau départ pour le chanteur. Il n'a donné aucune date pour l'enregistrement
de son prochain disque à sa compagnie de disques et refuse de préciser aux
journalistes le chemin qu'il empruntera lors de la prochaine année : Je vais
continuer de travailler. J'ai prévu de faire un disque pour moi et pour
quelqu-un d'autre. J'ai déjà de nouvelles chansons et il y a quelque chose qui
se dessine à nouveau. Je pense des fois faire un roman. J'ai envie d'essayer
des choses. On va bien voir. Ça nous est arrivé lors de la tournée de ne pas
pouvoir faire certains projets. Et là, je compte bien réaliser certains trucs..
Sous peu, il sortira sans aucun doute un
autre lapin de son chapeau. Il suffit d'en rêver, comme il nous a demandé de le
faire il y a huit ans. C'est d'ailleurs grâce à notre dernière question que
nous avons touché la sensibilité de Fersen. Car si tout artiste désire écrire
LA chanson d'amour, il dit en guise de confidence :Pour moi, les plus jolies
chansons sont celles chantées pas la maman dans l'oreille. '