Impact Campus - Décembre 1999
Thomas Fersen,
amoureux
Calme et
sympatique, le chanteur semble amusé par la ronde des journalistes qui passent
à sa table depuis près d'une heure. Pourtant, il assure sa tournée de promotion
depuis huit heures du matin et, malgré tout, il sourit. Il faut dire que Thomas
Fersen respire la patience. Bien sûr, cette journée pleine d'entrevues et
d'interminables présentations l'éreinte un peu, mais il en faut beaucoup plus
pour atteindre «un moucheron [qui] tourne en rond sur le
Écriture
tout-terrain
«Cet album, dit-il,
je l'ai écrit en partie sur une table de camping que mes parents m'ont prêtée».
Étrange, non? Est-ce à dire que l'auteur s'incarne comme un écrivain
sédentaire, voire même pantouflard? Pas du tout! «Souvent, pour écrire, je
transporte l'univers nécessaire avec moi. Je n'ai pas de véritable discipline
d'écriture. J'écris dans un café, dans un train ou chez moi le matin après
avoir ingurgité ma dose de caféine. Ça, je dois avouer que c'est un moment
privilégié, mais il n'y a pas de grand cérémonial, de la concentration
certainement, mais pas d'habitudes. En revanche, lorsque je sens un moment
propice à l'écriture, je ne le laisse pas passer. Peu importe où je me trouve»,
lance-t-il avec empressement, comme pour éviter qu'on l'accuse de
procrastination.
Néanmoins, Thomas
Fersen avoue: «Quand je travaille beaucoup et que ça marche bien, alors j'ai
tendance à la paresse. Je me dis, finalement c'est facile! Maintenant, par
habitude, je vais jusqu'au bout, même au bout du bout, pour exploiter tous mes
moments d'inspiration».
Pour son quatrième
album, sobrement intitulé «4», Thomas Fersen s'est permis davantage
d'expérimentations et d'audace. Plus actuel, ce nouvel enregistrement jouit
d'une diversité de sonorités que l'on ne retrouvait pas sur ses productions
précédentes, soit Le bal des oiseaux (1993), Les ronds de carottes (1995) et Le
jour du poisson (1997). «L'album est plus intemporel que les autres, alors par
définition plus moderne», affirme le poète qui voulait réaliser un disque
durable, qui ne s'édulcorerait pas au fil des saisons.
Bestiaire et
quotidienneté
Toujours, les
chansons de Thomas Fersen abordent le quotidien. Elles parlent de tout et de
rien, de l'amour et des choses que souvent on ne remarque pas. Elles se
présentent comme de petites histoires simples, comme des bribes d'une vie
saisies ici et là, au coin d'une rue, dans un café ou au bureau de poste. Si de
temps à autre, des pièces comme «Monsieur» ou «Chez-toi», offrent un peu plus
d'ombre et de sensualité qu'à l'habitude, il ne laisse pas pour autant tomber
ses «amis les animaux». «En fait, ce ne sont pas des animaux, ce sont des
caractères, et donc, mes chansons ne sont pas des fables. C'est la forme qui
tient de la fable, mais je ne lis pas de fables à la maison» explique Thomas
Fersen, dont l'image est indissociable de la gent animale. Pourtant, on
l'aurait juré!
S'il n'est pas un
disciple de LaFontaine, Thomas Fersen s'amuse néanmoins avec une ménagerie
considérable. Sur dix titres, trois incluent le nom d'une bestiole, que ce soit
un lion, une chauve-souris ou même un moucheron. Qui plus est, Mondino, le
photographe qui s'occupe des pochettes de l'artiste, semble aimer alimenter ce
paradigme. «Ce n'est pas moi qui lui dis: mets un lapin sur mon épaule, un
poisson dans la poche de mon veston ou, pour le dernier album, un cheval
enroulé dans un rideau», se défend Thomas Fersen, visiblement déridé.
D'ailleurs, la première photo lorsqu'on ouvre la pochette [un cheval drapé de
blanc] devait se retrouver sur le dessus de l'album, mais j'ai préféré cette
autre photo, de moi, avec un étui à banjo sur le visage. Ça rappellait le
cheval, sans le montrer nécessairement et on me laisse tranquille».
Et pour les
spectacles? Peut-être en septembre prochain, sinon en février 2001 Très confus,
Thomas Fersen ne peut rien promettre, puisque ça ne dépend pas uniquement de
lui. Quant aux projets futurs, le chanteur reste énigmatique: «Je ne vais pas
grossir la troupe des gens qui se croient capables d'écrire un livre ou de
réaliser un film. Ce sont des choses dont on parle quand on les a faites, pas
avant car je ne pourrais rien en dire Seulement m'en vanter». Amoureux de la
photo (il traînait d'ailleurs avec lui un petit appareil russe, le «Lomo», avec
lequel il tire le portrait des gens qu'il rencontre), de la grâce et de
l'esprit, Thomas Fersen -bien qu'il rappelle quelquefois le jeune Serge
Grégory Madore