La Presse - Février 2007


Thomas Fersen en miniature


Rassasié des guitares électriques, Thomas Fersen remonte sur les planches dans une formule acoustique inhabituelle: deux ukulélés et une mandoline. Retour aux sources? Retour au Moyen Âge, avance-t-il.

 L'année de ses 40 ans, Thomas Fersen a été frappé par ce qu'on pourrait appeler le démon du midi du chansonnier. Il a ressorti sa guitare électrique et pondu, coup sur coup, deux albums assez rock: Pièce montée des grands jours (2003) et Le pavillon des fous (2005). Sa façon de rocker n'avait rien à voir avec Mötorhead, mais elle tranchait de l'univers enrobé de Qu4tre ou de celui, plutôt jazzy, du Jour du poisson. Il a fait un peu de bruit, s'est permis un solo planant, bref, il s'est éclaté.

 L'aventure rock est désormais chose du passé. Thomas Fersen le volage a laissé tomber la guitare électrique pour une cousine plus légère et au nom plus exotique: l'ukulélé. Son affection est telle qu'il a décidé de mettre cette petite guitare hawaïenne à peine plus grosse qu'un jouet au coeur du spectacle qu'il présentera la semaine prochaine au National en tandem avec son ami Pierre Sangra.

 «Ça fait exactement 10 ans que je suis tombé en amour avec l'ukulélé», raconte le chansonnier, joint il y quelques semaines à Paris. Le coup de foudre a eu lieu pendant l'enregistrement du Jour du poisson. Son arrangeur, Joseph Racaille, l'un des fondateurs d'un orchestre appelé l'Ukulélé Club de Paris, avait eu l'idée d'en ajouter une piste à Bijou. Sa sonorité caractéristique, à la fois sèche et délicate, marque tout particulièrement la première minute de la chanson.

Conquis, Thomas Fersen en a acheté un, qu'il traîne depuis en tournée. «Il est petit, léger et discret. Tout ce que j'aime», résume-t-il. Son ukulélé contribue aussi à l'aspect ludique de son univers. Un grand maigrichon qui gratte une guitare minuscule avec application, ça fait son effet. L'étui de l'instrument en question lui sert par ailleurs de coiffe - et de gueule de cheval - sur la pochette de son album Qu4tre.

 Ce n'est pas pour faire le comique qu'il a monté ce duo de ukulélé au cours duquel il reprend notamment Monsieur, Pégase, Mon macabre et Le chat botté. Son objectif est de laisser parler les chansons. «Des fois, il y a un côté presque moyenâgeux, parce que la musique ne fait qu'accompagner le texte, à la manière des troubadours», suggère-t-il.

 Des copains d'abord

Puisqu'il faut être deux pour faire un duo, on retrouvera de nouveau Pierre Sangra auprès de Thomas Fersen. " Ça fait longtemps qu'on joue comme ça, tous les deux, confirme le chanteur. On est copains, d'abord. On passe beaucoup de temps ensemble en tournée, alors on fini par avoir envie de faire des choses. On a envie de vivre ensemble, c'est comme une histoire de couple. "

 Guitariste, mais aussi violoniste, Pierre Sangra fait partie de l'univers de Thomas Fersen depuis les tout débuts. Il a joué du violon sur Le bal des oiseaux (1993) et l'accompagne en tournée depuis 1994. Tout ce temps passé ensemble en studio et sur la route en ferait donc un vieux couple. «Oh! Il ne faut pas dire qu'on est vieux!» s'indigne le chansonnier, d'un ton moqueur.

La tournée actuelle aura vraisemblablement des répercussions sur le prochain disque. «Je compose beaucoup à l'ukulélé. J'avais déjà essayé dans le passé, mais ça n'allait pas. Là, ça fonctionne, Thomas Fersen. J'avais envie de quelque chose de plus folk. Avec l'ukulélé, ça fait presque traditionnel.»

 Il n'en dira pas plus. Il ne sait pas quand il publiera le successeur du Pavillon des fous. Faire le spectacle avec l'ukulélé est d'ailleurs pour lui une façon de repousser l'échéance. Il n'a pas envie de s'engager dans la production d'un disque en ce moment. Il a déjà écrit «une dizaine de chansons» et commence à avoir une idée du fil conducteur, mais garde le secret sur tout. Même pour son pote Pierre Sangra.


Alexandre Vigneault