Le Figaro Etudiant - Octobre 2004


« J'évolue vers la folie »

LE FIGARO ETUDIANT.– Vous avez donc sacrifié à la mode du DVD live...

Thomas FERSEN.– Ce n'est pas une mode, c'est l'industrie qui veut ça. L'industrie souffre, les gens ne peuvent copier les DVD donc elle vend des DVD. Et puis le public en est friand.
Je suis content, je n'avais jamais eu d'images, à part mes pochettes par Mondino. J'ai des regrets par rapport à mes précédents spectacles qui n'existeront plus jamais à part en sons.

Dans quel état d'esprit avez-vous abordé ce DVD ? Avez-vous conçu votre spectacle différemment ?

Non, le spectacle était déjà pensé et l'image a dû s'adapter. Elle est venue à la Cigale, ce qui n'est pas facile car il s'agit d'un petit lieu qui manque donc d'espace, de lumière, de place pour les caméras... Mais je trouve important que l'image vienne regarder. Je voulais que ce soit fluide, que l'on oublie les caméras, qu'il y ait plusieurs angles. Même si je suis de dos, je trouve ça joli.

Pourquoi ne pas garder les petites histoires que vous racontez ou la reprise de Julio Iglesias à la fin ?

C'est quelque chose que l'on vit bien dans la salle mais mal quand on est dans un fauteuil à la maison. Et puis, il y avait une contrainte de durée, pour l'image comme pour le son, qui m'a obligé à ne garder que certaines chansons.

Le documentaire laisse un peu sur sa faim...

On m'avait proposé de faire une interview mais je trouve ça figé. J'avais envie de montrer les loges, les balances, les techniciens, l'ambiance de cette salle avec la fumée qui descend... On nous voit manger avant. C'est déjà beaucoup ! Rien d'extraordinaire mais, justement, j'ai toujours pris le parti de démystifier. On nous retrouve également au café après le concert. Je voulais montrer que je peux aussi être assez trivial car je donne plutôt l'image de quelqu'un de timide. Mais ce n'est pas toujours comme ça. Rennes est une ville un peu spéciale : le café est en face de la salle, il y a beaucoup d'étudiants... Parfois le café est vide ou on se retrouve dans une zone très glauque où il n'y a rien. On retourne dans notre hôtel, il n'y a même pas de gardien et la clé est sur la porte !

Que de filles dans ce reportage !

Je ne sais pas si c'est parce que je suis un garçon mais je trouve plus intéressant de voir des filles ! Et puis beaucoup de filles vont au spectacle, plus que les garçons, elles se déplacent dans les expos, elles achètent des livres... Je ne pense pas avoir de groupies. Mais, comme on s'adresse à l'affectif des gens, c'est toujours délicat.

Vous aviez l'air de vous ennuyer pendant le tournage de votre clip*...

Non, c'était rigolo mais le costume noir sentait très mauvais, une infection, vraiment ! Ils ne le lavent pas. Et il faisait chaud sous ce hangar... Concernant le clip, j'avais envie de décalage, d'évolution. Je n'ai pas l'impression d'être arrivé à un truc auquel je pourrai me tenir et j'ai toujours été comme ça. J'aimais l'aspect dessin, jeux vidéos, le côté très urbain... {Inter}« J'ai toujours pris le parti de démystifier »

Vous n'avez jamais eu envie de jouer la comédie ? On sent sur scène que vous avez un énorme potentiel...

J'ai joué une petite scène avec Vanessa Paradis dans un film de Serge Frydman (Mon ange, sortie prévue début 2005, NDLR). Je devais interpréter un rôle de maquereau mais je n'ai pas eu le temps car j'étais en tournée. Du coup, j'ai joué un client de café. Le tournage a duré une soirée : ça a été pour moi l'occasion d'expérimenter sans trop me mouiller. C'était très agréable, une récréation, mais mon métier reste la chanson.

Vous vous mettez en scène : n'avez-vous pas besoin d'un autre regard ?

Je n'ai pas l'argent ! Il y a des choses pour moi qui sont prioritaires. Au départ, nous n'avions pas d'éclairagiste. Nous en avons eu un, puis deux. Nous n'avions pas de back liner, maintenant si... Cela passe avant la mise en scène... Et puis cela me plaît, j'ai une certaine vision des choses.

D'habitude, vous jouez l'humour un peu noir, le mec bourré...

Plutôt primitif. Certes l'ivresse rend ainsi mais, pour moi, le chanteur reste un personnage un peu primaire, c'est physique de chanter. Mes personnages sont dans une espèce d'urgence, ils vivent des trucs graves, donc ils ne réfléchissent plus, ils ne font plus attention à leurs gestes, ils sont entiers.

... au Zénith, c'était encore plus rock, plus sombre...

Ca fait déjà neuf mois que j'écris de nouvelles chansons. Je suis parti dans quelque chose d'encore plus proche de ce que mon personnage est devenu sur scène, j'ai évolué vers une espèce de folie.

Avez-vous encore le trac avant d'entrer en scène ?

Oui. Il y a un moment de battement assez bizarre mais, dès que le rideau s'ouvre, on bascule. Ca se bouscule un peu au portillon. Parfois, il y un truc pittoresque, cocasse que je suis le seul à voir. Des odeurs, des regards, des gestes : il se passe plein de choses.

* Pour tourner le clip de Deux pieds, en images de synthèse, Thomas, vêtu d'une combinaison noire, mime les mouvements de son personnage dans un hangar vide.

Céline Fontana