Le Monde - Avril 2007

Thomas Fersen : " J'écris mes nouvelles chansons à l'ukulélé "

 Thomas Fersen participait samedi 21 avril à la soirée "ukulélémania" organisée par le Printemps de Bourges. L'auteur du Pavillon des fous, chanteur parmi les plus singuliers et talentueux de la scène française, s'est entiché de l'instrument à quatre cordes à tel point qu'il est reparti sur la route pour revisiter son répertoire dans une formule acoustique et minimaliste (ukulélé et mandoline), en duo avec son fidèle guitariste Pierre Sangra. Dans un entretien au Monde, il s'explique sur cette passion qui influe déjà sur ses créations futures.


Votre tournée actuelle passe pratiquement inaperçue. Pas de promotion ni d'affiches. Pourquoi ?

Je n'en ai pas parlé jusqu'ici parce que j'avais envie de me sauver. L'album Pièce montée des grands jours [2004] m'a permis de casser mon image de chanteur de théâtre acoustique. On a fait deux tournées qui ont attiré du monde dans de grosses salles. Il y avait beaucoup de pression. Là on part à deux, sans camion ni installations, juste des lumières. On reprend la main sur l'emploi du temps, des lieux s'ajoutent au fur et à mesure, on peut voyager plus loin.Nous avons commencé en Belgique. Il y a eu une dizaine de dates en octobre, puis une reprise en février. Nous jouons dans des lieux où nous allions autrefois, nous retrouvons le public des petites salles. L'avantage c'est la souplesse. Pour la musique aussi ? On reprend possession du temps. On peut le dilater, choisir le tempo. Pierre, qui s'occupe de la transcription des arrangements, joue de l'ukulélé baryton et de la mandoline, moi de l'ukulélé soprano. Il y a dans cette tournée un côté troubadour, un peu moyenâgeux. Faire vivre ce répertoire à deux donne une légitimité à mon travail. C'est structurant. Certains sont convaincus d'être artistes. Chez moi, c'est une inquiétude. Cela aura une influence sur le prochain disque et la tournée qui s'ensuivra.

C'est-à-dire ?
Toutes les nouvelles chansons ont été écrites au ukulélé. Avant, je créais à la maison. Cette fois, je veux le faire en studio, j'arriverai avec seulement les structures des chansons. J'en ai neuf avec un thème central.

Quel est-il ?
Je ne peux pas le dire, j'aime bien les surprises. Ecrire sur un thème unique peut lasser mais, pour moi, c'est plus passionnant. C'est ce que j'ai fait sur les trois derniers albums. Seule la deuxième moitié des chansons est écrite en conscience du thème. Quelques mots reviennent forcément mais j'aime qu'il y ait un point de vue de l'écriture. J'ai écrit d'autres chansons, solitaires. Je ne sais pas quoi en faire…

La couleur particulière de l'ukulélé limite-t-il le choix des chansons que vous reprenez ?
Non, c'est un instrument d'accompagnement. Assez passe-partout. Seule une chanson comme "Deux pieds" - on a pourtant essayé - a du mal à vivre sans arrangements. Il faut trouver une rythmique qui fonctionne car ce n'est pas le même balancement. L'ukulélé procure une tension, une énergie qui n'est pas une question de volume. Pour moi, il est intéressant de jouer sur le contraste entre cette instrumentation et un texte comme"Monsieur" [les exploits d'un tueur en série narrés par son majordome]. Les dernières tournées n'étaient pas des tours de chant puisque je chantais principalement les chansons des trois derniers albums. Là, c'est une façon de refaire mes chansons.

Y en-a-t-il que vous ne voulez plus interpréter ? D'autres que vous avez redécouvertes ?
"Pont Mirabeau", je ne ferai plus ça aujourd'hui. Il y a une fraîcheur dont je ne suis pas capable. Ce n'est plus la même personne. A l'inverse, parmi les plus anciennes reviennent "Louise", "Je suis devenu la bonne", beaucoup de chansons du troisième album, Le Jour du poisson [1997.] Les textes étaient sans doute mieux écrits, plus originaux qu'auparavant.

A quand remonte votre intérêt pour l'ukulélé ?
Je voyage avec depuis dix ans mais c'est la première fois que je l'intègre pleinement. Joseph Racaille [arrangeur] en jouait sur la chanson "Bijou", sur Le Jour du poisson. Avant, je terminais mes concerts par une reprise au ukulélé de Tino Rossi, de Michel Simon ou de Fred Fortin. Je m'en suis passé un moment quand je me suis aperçu que chaque photo de concert me montrait avec lui. Il revient en force. C'est charmant, petit, ça produit son effet.


Propos recueillis par Bruno Lesprit