Depuis Le Bal des oiseaux en 1993, Fersen ne cesse de voir croître son public, des spectateurs emballés et fidèles comme le chanteur: "Il y a des endroits privilégiés, c'est sûr, mais en général j'ai une bonne relation avec les gens, je mise beaucoup sur cette complicité, en dehors des gros médias." L'homme a du charisme, il charme l'assistance en un clin d'œil avec son personnage malingre, bon enfant, empli d'autodérision, et ses chansons inoubliables, papillons de toutes les couleurs qui voltigent dans notre tête. Fersen est sans aucun doute le chanteur français le plus aimé et présent sur les scènes québécoises: "Conquérir? Non, je ne suis pas un guerrier. J'ai juste eu du plaisir à venir au Québec en 93 la première fois, il y avait des gens à mon concert; la fois suivante, il y en avait un peu plus. Et dès le départ, j'ai eu l'envie de retrouver les gens qui étaient venus, de revenir dans les rues de Montréal. J'y viens par goût, je sais que j'ai rendez-vous avec des amis."
Il y a de la bonté et de la chaleur qui auréolent Fersen, un peu de nonchalance aussi. On ne peut que succomber: "Je suis un paresseux, j'écris des chansons seulement quand l'envie me vient, je me lève et hop! Ce serait très mauvais si je me fixais des périodes délimitées pour faire des disques. L'envie, c'est contagieux, si je travaille ainsi, il y a de fortes chances que l'envie se communique ensuite au public." Effectivement, ça ne rate jamais. Chaque nouvel album séduit même les plus moroses, les plus blasés, les plus réfractaires à la chanson française. Le Pavillon des fous n'y échappe pas avec une sobriété musicale qui s'éloigne des épanchements de cordes pour retourner à un son plus brut (guitares, piano, batterie): "J'ai eu envie d'aller vers cette sobriété. Je n'ai pas de méthode de travail car j'oublie tout en cours de route, pendant la tournée, comment j'ai fait le disque précédent. Je reconnais un peu la route, parfois, mais justement, quand c'est le cas, je prends un chemin de traverse. Je n'ai pas envie de toujours refaire la même godasse!"
Le nouveau Fersen est inquiétant, la bizarrerie devient plus sombre que
loufoque - tout en gardant quelques chansons humoristiques qui allègent un opus
au titre effrayant: "Pendant l'écriture des chansons, de façon intuitive, je me
suis aperçu que j'étais attiré par des romans où il était question de la folie,
de sanatoriums, d'internés. J'ai lu beaucoup de bouquins de Fitzgerald, comme
Tendre est la nuit, du Blaise Cendrars (Moravagine), Truman
Capote, Tennessee Williams. Je lisais ça sans m'en rendre compte! Un mouvement
général de ma personne vers ce thème!" Pour notre plus grand plaisir. Chapeau.
Francis Hébert